Des vies de Tomas III

Chant quint

Lorsque la vitre fut enfin opacifiée, ­ ce qui était lui donner une nature à se changer elle-même bien contraire à l'entendement, ­ Tomas se trouva en sa cave.

Nulles larmes ornaient son visage grossi par les quelques luxes qu'il se donnait de temps en temps depuis un temps fort long maintenant. A l'être chétif à qui il arrivait de pleurer un matin d'après-laudes se substituait un corps qui s'accordait plus aisément au vieux Balzac qu'au mince Honoré.

Mais nous ne sommes pas ici pour écrire un portrait de Thomas. Il n'est qu'un désir de celui qui jusqu'ici narre ces vies qui se veulent neuves et qui paraissent, à ceux qui peuvent les entrevoir, se vouloir plus vraies qu'elles ne le sont vraiment.

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­- Pourquoi rechignes­-tu à nous voir?

­- Ce n'est pas que je ne veuille plus vous voir ; j'aimais l'idée que les autres ne vous vissent pas.

­- Et qu'as-­tu gagné à vouloir que nous leurs soyons invisibles?

­- De mauvaises vues, en ce qu'elles me semblaient fausses.

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Je me suis souvent demandé à quelle date, précise, le port de la canne disparut de nos rues. Ma canne est aujourd'hui un parapluie, noir avec souliers de même couleur, et ainsi de suite pour toute autre couleur ; les rappels se doivent d'être une touche, même petite, d'harmonie. Les jours heureux se réserver au bleu, dit-il.

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Je ne me justifierai pas de mes pages devant vous écrites. Si un jour je devais lire ceci : il arrivait qu'on se souvînt plus prestement de ses non! que de ses acquiescements, c'est que j'aurais trop souvent dit oui, mais sans regrets, toujours avec un sourire ouvert et une inclination vers l'avant ; en moi vit ce qui hier parut mourir.

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Minute Bernanos. Salutaire par temps actuels.

Tirée de l'imposture, de sa vingt­-cinquième page de l'édition de poche :

"les villes. Pourquoi voudriez­-vous qu'elles annoncent la joie?"

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Ils n'apparaissaient plus. Il arrivait que Thomas se mit face aux fenêtres de toutes sortes sans qu'ils n'apparaissent plus. Bien que leur présence lui fut étrange, elle commençait à lui manquer. Tout comme celle qui était partie. Elle lui manquait d'une manière qui lui faisait sentir un trou dans sa panse, lui montait la tension et les palpitations, le lestait au lit, de ces lits tristes où nul sommeil ne vient et où les nuits n'en terminent pas de commencer. Avec elle l'ennui avait disparu, ou elle s'en chargeait, il ne savait pas ; mais l'ennui désormais était là et sa disparition lui manquait. Alors, il se levait, enfilait ses charentaises bleues à liseré rouge et passait dans la pièce d'à côté, ce qu'il nommait son bureau et il posa son cul sur la chaise et regarda droit devant lui, dans l'obscurité d'une nuit de ville, ce noir orange et il écrit ceci sur son petit téléphone à clavier : Je n'entendais plus, lors de mes lectures au fin fond de mon bureau, sa musique en arrière-­fond comme étouffée par la longueur de l'appartement ; cette musique qui maintes fois m'avait fait râler de n'être pas en silence et dont le silence d'aujourd'hui me paraît bruyant.

Et il fixa le mur blanc tout orange de nuit.


Nota bene : Les premiers chants Des Vies de Tomas furent publiés dans la revue Bruit de Johnny Payelle. Je le remercie de m'avoir ouvert les pages de sa revue.

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