Mesure

d'après Robert Hass

Retours.
Lumière cuivrée de nouveau
hésitante parmi les petites feuilles

d'un prunier Japonais. Été
et coucher de soleil, la paix
du bureau d'écriture

et la tranquillité habituelle
de l'écriture, ces choses
forment un ordre auquel

j'appartiens seulement dans l'oisiveté
de l'attention. Dernière lumière
borde la montagne bleue

et j'aperçois presque
à quoi je suis né,
non pas dans la lumière du soleil

ni le prunier
mais dans la pulsation
qui forme ces lignes.

D'entre nos grammaires

Malgré des efforts qui pour être grands en paraissent loin lorsqu'ils se lisent, tu n'arrives pas encore à me faire lire. Ou, si tu le fais, c'est insidieusement, par des touches si subreptices, qu'elles ne me font rien, et me laissent indifférent, comme si je lisais un texte quelconque, avec ses règles que je connais d'ailleurs, où je me laisse en quelque sorte guider, où toute individualité de ma part t'es laissé, car au fond ce que j'aime par dessus tout, c'est être ton pantin et me laisser tirer les ficelles, hop un peu à gauche, à droite toute, un peu de hauteur, et puis la bassesse, la plus ignoble des lectures que je puisse faire, celle où j'applique les règles des autres chez toi, alors que tu voudrais que je me libère un peu, que je me révolte, que des masses - ne soyons pas présomptueux - des quelques lecteurs ici réunis, je puisse m'extraire, ta lecture devenant mienne, ce texte le mien, et qui ne ressemblerait en rien à celui d'un autre, fût-il fait des mêmes syntagmes, des mêmes embrayeurs que tu laisses comme des traces, quelque indice à suivre pour être enfin moi dans ce qui fut ton texte, que je ferais mien, si seulement je savais, alors qu'il n'y a rien à savoir, plutôt tout à désapprendre, lire avec des yeux vraiment neufs, c'est-à-dire ne pas suivre la règle des autres, mais s'immiscer dans ta grammaire, dans mes grammaires dit-il je voudrais que tu t'immisces, que tu fasses d'un illisible quelque chose que tu aurais lu, qui serait à toi, comme cela fut mien, et puis tien, et sien, et sienne, mienne cette lecture de ce texte sien, et tout cela s'embraye, lui et toi, moi et elle et les autres, nous sommes tous ici à des points différents, traçant chacun sa ligne de grammaire dans ce texte quelconque de journal, nos lignes s’enchâssant, se départant, puis des ruptures, et des jointures de lignes, et des soudures ,et dessouder, jusqu'au magma de l’oxygène, de l'acétylène, et nos flammes bleues, au bout bleues, d'un bleu qui crame une rétine, chaque fois se crevant les rétines pour être soi ici, avec des autres qui ne seront rien de ce que tu avais écrit.

Libellés :

Entre les Grammaires

d'après Danielle Vogel

( assis à l'intérieur de la ) ( phrase ) ( je
cherche ) ( des syllabes ) ( pour une trace ) (
te sens fait ) ( de cellules ) ( à travers ) ( les
pages que je t'ai envoyées )

Vogel, Danielle. Between Grammars. Mesilla Park : Naomi Press, 2015. Print.

Le Lit

d'après Thom Gunn

Les pulsations s'arrêtent là où le temps a été,
    Le jardin est enneigé,
Les branches alourdies et les sentiers remplis,
    Les congères matelassent le sol.

Couchés tendrement-saisis, immobiles maintenant que cela est fait,   
    Lâchement entrelacés à travers le lit
Telles des statues en lutte ; mais cela encore continue
    Dans ma tête.

20160121 Haïku

Parfois, les livres
Prennent la poussière
Seuls, ensevelis

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